De la discrimination au logement

Publié le par Les jeunes d'Eragny

Logement social : Un racisme institutionnel ?


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"Si on a des bons dossiers, des gens qui travaillent, qui n'ont pas beaucoup d'enfants, de nationalité française si possible, on a moins de problèmes. Si on a des familles de Maghrébins avec cinq-six enfants, ou de Comoriens, c'est difficile de savoir combien il y a de personnes, combien d'enfants etc., bon si on peut ne pas les prendre ça arrange aussi". Comment expliquer ces propos, tenus par une personne travaillant dans un office HLM marseillais : expression d'un racisme individuel, isolé ? Ou au contraire expression d'une "idéologie raciste", d'un racisme ordinaire qui serait inconsciemment partagé (à un plus ou moins grand degré) par tous les membres de la société française ?

Pour la sociologue Valérie Sala Pala, il faut plutôt insister sur la dimension proprement institutionnelle de cette discrimination, qui est selon elle "le produit de logiques, de contraintes, de routines, d'une culture, institutionnels". Dans le cas des HLM, qu'elle a étudié, un certain flou au niveau des principes législatifs censés guider l'action des organismes ("droit au logement" et "mixité sociale", terme qui n'est nulle part défini), ainsi que la grande autonomie laissée à ces derniers sont des facteurs qui accroissent le pouvoir discrétionnaire des acteurs HLM en matière d'attribution. Ils peuvent ainsi développer des critères propres, sans jamais devoir les expliciter ou les formaliser. Par ailleurs, l'importance croissante des impératifs de bonne gestion (équilibre financier, réduction des vacances de logement, préservation des bâtiments...) les conduit à minimiser les risques lorsqu'ils attribuent un logement, et donc à définir des profils de "bons" candidats (qui paye son loyer, qui habite de façon normale, qui ne trouble pas le voisinage...) et de "mauvais" candidats, fondées sur des stéréotypes ethniques qui classent les nationalités selon leur écart à une certaine norme culturelle.

C'est ainsi qu'à Marseille, où ont été menés les entretiens, sont perçus comme "bons candidats" (outre les Français), les Arméniens, dont les traits culturels sont une structure familiale stable, "normale", un "désir de s'intégrer", de travailler. A l'inverse, les "mauvais" candidats, porteurs des caractéristiques inverses, sont les Maghrébins et encore plus les Comoriens,qui, selon une personne interviewée, "ont un mode de vie qui est quand même encore plus compliqué que les Maghrébins en termes d'intégration parce qu'ils sont collectifs, alors que les Maghrébins sont des individuels".

Cette analyse met également en évidence que la lutte contre le racisme pourrait également s'appuyer sur des ressorts institutionnels. En l'occurence, une définition de la mixité sociale, ou un renforcement du contrôle des organismes HLM, permettraient sans doute de diminuer la saillance de l'ethnicité dans l'attribution des logements.

A lire : Valérie Sala Pala, "Le racisme institutionnel dans la politique du logement social", Sciences de la société, n° 65, 2005

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